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Vers la Réalisation du Soi: un voyage en non-dualité

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Peut-être avez-vous déjà, en chercheurs de Vérité, en amoureux de la Sagesse, en pélerins sur une voie spirituelle, déjà entendu parler de ‘non-dualité’. Cette ‘non-dualité’ peut être abordée par des prismes multiples. Elle est au coeur de bien des enseignements, mais ceux des maîtres indiens de l’Advaïta Védenta, tels Sri Ramana Maharshi ou Sri Nisargadatta Maharaj, dans l’héritage d’Adi Shankara nous en donnent une éclairante présentation.

Bien sûr, il est tout à fait possible que vous n’ayez qu’une idée un peu vague de ce que cette non-dualité peut bien être. Cet article vous propose un aperçu de la notion. Dans notre voyage, nous nous tournerons non vers de lointains horizons, mais vers la lumière du Phare. Nous partons pour un voyage immobile.

SRI NISARGADATTA MAHARAJ, Je Suis, Les Deux Océans, Paris 1982, 2017, traduit de l'anglais par Sylvain Josquin. Un joyau de la non-dualité.
SRI NISARGADATTA MAHARAJ, Je Suis, Les Deux Océans, Paris 1982, 2017, traduit de l’anglais par Sylvain Josquin

Non-dualité ?

De fait, pour les maîtres spirituels dont nous avons parlé (mais nous pouvons aussi en trouver de larges échos dans d’autres traditions orientales, et chez certains mystiques occidentaux, mutatis mutandis bien entendu) il s’agit, pour l’Homme qui souhaite ‘se réaliser’, de retrouver -plus que d’acquérir- la vision juste de ce qu’est la réalité.

Pour retrouver cette vision juste, une conversion du regard est nécessaire. Il se trouve en effet que le monde qui nous tombe sous les sens, dans lequel nous vivons ou pensons vivre au quotidien et nous semble couramment être, dans notre expérience de la vie, ce qu’il y a de plus réel, ne l’est pas tant que cela. Il ne serait plutôt qu’une sorte de film, la version manifestée dans la matière -et cependant tout illusoire- d’une réalité fondamentale qui nous demeure d’abord cachée, car nous la négligeons ou l’avons oubliée.

la non-dualité: se liberer de l’illusion

Ainsi, le monde manifesté n’est qu’un ensemble de visions changeantes, une construction de notre mental, qui lui donne ses formes. Cet ensemble d’objets de perception n’a pas de réalité propre hors de celui qui perçoit. Le monde qui nous entoure n’existe que tant qu’il y a une conscience pour le penser. Ainsi, le monde extérieur est la projection de notre monde intérieur. Au niveau fondamental, il n’y a pas de séparation entre les deux mondes. Au niveau fondamental, il n’y a d’ailleurs pas de séparation du tout. C’est de cela que nous parle la ‘non-dualité’.

Pour reprendre l’image du cinéma, la lumière (notre Moi suprême) immuable, constante, du projecteur est d’une certaine manière filtrée par les images de la pellicule (notre mental, avec ses pensées, ses désirs, ses émotions), ce qui donne ses formes au film (la fiction, plus ou moins plaisante, de notre vie) qui se projette sur l’écran (de notre conscience).

Le mental nous permet de vivre dans le monde. Il nous permet d’en faire l’expérience au niveau physique. En jouant à vivre l’expérience de la séparation, nous pouvons avoir le sentiment d’interagir, et il en est très bien ainsi. Mais ce sentiment de séparation n’est que fiction, et il faut assigner au mental sa juste place: celle de serviteur. La question est alors de qui, de quoi le mental doit être le serviteur.

retrouver le reel

Le réel est à trouver, non dans le monde extérieur, mais en chacun de nous. Il faut aller par delà notre ‘petit moi’, notre personnage avec son rôle apparent dans la famille, et la société. C’est le mental, l’incessante succession de nos pensées, qui donne à ce ‘petit moi’ un semblant de tangibilité.

De ce mental, un examen approfondi permet de comprendre l’artificialité et le défaut de cohérence. Si nous voulons la Réalisation, alors oublions notre ‘petit moi’, personnalité fictive dépourvue de consistance. Ce ‘moi’ est sans cesse ballotté d’une pensée à l’autre. Il se perd entre des désirs et émotions qu’il croit être siens. Il s’illusionne de mémoires de ce qu’il n’est déjà plus ou imagination de ce qu’il n’est pas encore.

Comment retrouver la non-dualité ?

Pour ce faire, les maîtres de la non-dualité nous invitent à rentrer en nous. Nous n’en serons pas étonnés, mais ne le faisons pourtant pas toujours, n’est-ce pas ? pour nous poser des questions qui nous mettent sur la voie d’une expérience directe. Nous ne cherchons pas à savoir seulement intellectuellement ce que nous sommes fondamentalement. Nous visons à retrouver la pleine conscience d’être ce ‘Moi suprême’ immuable que nous sommes, au-delà de tous les masques. Les méthodes peuvent s’étendre dans le temps, quoique la prise de conscience en elle-même puisse avoir la soudaineté de l’éclair. Les lumineux ouvrages de Paul Brunton en donnent un exposé clair et enthousiasmant.

Il s’agit de ralentir le flux de nos pensées, de les ralentir. Ce faisant, nous en sommes le témoin, les laissons passer pour, enfin, voir le mental se taire. Alors, dans ce silence intérieur, alors, il faut se concentrer avec vigilance et persévérance sur la question: ‘Qui suis-je ?’, ‘Que suis-je ?’ Il n’est pas nécessaire de vivre retiré du monde, pour se poser constamment cette question.

depasser les mots et les concepts

Nous essayons de connaître ‘Qui est’ ou ‘ce qu’est’ ce ‘qui’ . A qui les choses arrivent-elles ? ‘Qui’ pense ceci ou ressent cela ? Nous nous rendons compte que nous ne sommes ‘ni ceci, ni cela’ qui pourrait être nommé ou décrit prosaïquement. Nous revenons dans la non-dualité. La réponse, la seule certitude, est un état qui transcende l’espace et le temps: ‘Je suis’.

BRUNTON (Paul), Le Sentier caché, Editions Adyar, 2016, traduction de l'Anglais par Gabrielle Godet et du même auteur, Le Chemin court, Les Deux Océans, Paris, 2017 traduction de l'Anglais et notes de Patrice Repusseau, pour une bonne introduction aux enseignements de Sri Ramana Maharshi et à la non-dualité.
BRUNTON (Paul), Le Sentier caché, Editions Adyar, 2016, traduction de l’Anglais par Gabrielle Godet et du même auteur, Le Chemin court, Les Deux Océans, Paris, 2017 traduction de l’Anglais et notes de Patrice Repusseau, pour une bonne introduction aux enseignements de Sri Ramana Maharshi et à la Non-Dualité.

savoir ce que je ne suis pas

Or ce sentiment du ‘je suis’ persiste lorsque, dans le sommeil physique, je perds la sensation de mon corps. Il persiste aussi lorsque je rêve et survit à la perte de conscience temporaire du sommeil profond. Je vois bien alors que je ne suis pas mon corps; cette identification limitée au corps est illusoire. D’ailleurs, ‘Je suis’ est là, en toile de fond, ici et maintenant, à tous les moments de ma vie. Que je sois malade ou en bonne santé, jeune ou plus âgé, riche ou pauvre, sec ou mouillé, triste ou joyeux, ‘je suis’.

trouver ce que ‘je suis’

Au-delà de tout ce que je crois être, de toute détermination, de tout changement, au-delà d’un ‘il y a’ illusoire, il ne subsiste qu’une réalité: je suis Pure Conscience. Cette pure conscience, conscience de la conscience, impersonnelle, au-delà de tout concept, est la Source de tout; et à un niveau fondamental, lorsque nous avons enfin laissé s’évanouir l’illusion de la dualité, tout est un.

Nous ne pouvons qu’en faire l’expérience. C’est une connaissance intérieure d’ordre ontologique. Immédiate, on ne peut guère la communiquer avec des mots et des concepts. L’intellect peut nous permettre de nous mettre sur la voie, mais est inopérant pour nous faire accéder à cette connaissance.

une vie pour passer Du sommeil a l’eveil

Notre vie ici-bas, dans ce monde, est en fait, dès maintenant si nous le voulons bien, un chemin vers l’Eveil. Sinon, nous pouvons toujours choisir (si tant est que l’on puisse vraiment choisir) de rester sur le plan superficiel. Dans ce cas, nous rencontrerons encore et encore souffrance et désespoir, perdus dans les mêmes scénarios erratiques, dans les mêmes situations illusoires. Notre corps est un véhicule, et nos expériences, des outils pour accéder à l’éveil.

Il s’agit pour nous, pour sortir du labyrinthe dirions-nous, de retrouver en pleine conscience cette conscience d’être Pure Conscience (c’est à la fois vertigineux et très simple), à la fois Rien et Tout. Il n’y a rien changer à proprement parler, rien à acquérir, à atteindre, pour nous réaliser; tout est déjà là, en nous. Il faut ‘seulement’ se placer sur le bon plan: celui de témoin de la conscience, au-delà même de la conscience, en nous souvenant que nous sommes l’Absolu.

« Quand je vois que je ne suis rien, c’est la Sagesse.

Quand je vois que je suis tout, c’est l’Amour.

Et entre les deux ma vie s’écoule. »

Sri Nisargadatta Maharaj

Deux documentaires parmi tant d’autres pour en savoir plus et s’y plonger, avec bonheur:

‘Rays of the Absolute’: à Bombay, sur les traces de Sri Nisargadatta Maharaj, avec certains de ses interprètes et disciples, par Stephen Wolinsky, 2006
‘Jnani, Le Sage silencieux d’Arunachala’ : un excellent documentaire sur Sri Ramana Maharshi et son enseignement, via CineFx Films

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